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Créer mon entreprise : selas, la société d’exercice libéral par actions simplifiée expliquée

Publié le : 17 décembre 2025Dernière mise à jour : 17 décembre 2025Par

Quand on conseille des professionnels libéraux qui souhaitent se lancer, on voit souvent la même hésitation revenir : comment grandir sans perdre son indépendance ni diluer sa déontologie. C’est exactement là que la selas peut devenir un vrai levier, à condition d’en comprendre les ressorts.

Je repense à une discussion avec une radiologue qui, après dix ans d’exercice en cabinet, voulait associer deux jeunes talents pour ouvrir un centre d’imagerie. Son exigence était claire : protéger le secret médical, sécuriser la responsabilité et garder une gouvernance fluide. Le choix de la structure n’était pas un détail.

Si vous êtes avocat, architecte, expert-comptable ou encore infirmier libéral, vous avez probablement entendu parler des sociétés d’exercice libéral. La version « par actions simplifiée » offre une souplesse qui séduit, mais il faut aussi mesurer ses contraintes avant de trancher.

Qu’est-ce qu’une selas et à qui s’adresse-t-elle ?

La selas est une déclinaison des sociétés d’exercice libéral, pensée pour les professions réglementées. Concrètement, elle permet d’exercer une activité libérale au sein d’une société par actions, tout en respectant les règles propres à chaque ordre professionnel et au Code de la santé publique.

Elle s’adresse aux praticiens pour qui l’éthique, le secret et la responsabilité civile professionnelle ne sont pas négociables. On croise ce montage chez des équipes pluridisciplinaires qui veulent mutualiser leurs moyens, structurer la prise de décision et valoriser les talents via des actions.

  • Médecins et chirurgiens
  • Avocats et notaires
  • Architectes
  • Experts-comptables et commissaires aux comptes
  • Infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes

Contrairement à un cabinet individuel, la selas crée un écran social et juridique entre la vie privée des associés et l’activité. Elle facilite l’entrée d’associés, l’attribution de rôles de direction, et l’ouverture du capital à d’autres professionnels éligibles.

La responsabilité reste encadrée par la réglementation de la profession. La société répond des fautes non intentionnelles, tandis que les fautes personnelles lourdes peuvent engager l’associé fautif. Les Ordres exigent aussi des dispositifs d’assurance adaptés, à anticiper dès la rédaction des statuts.

Sur le terrain, la structure apporte également un langage commun avec les banques et les investisseurs. Un orthodontiste que j’ai accompagné a pu financer un plateau technique coûteux grâce à un business plan solidement adossé à des statuts bien conçus et une gouvernance crédible.

Pourquoi choisir une selas plutôt qu’une SARL ou qu’une SAS ?

Le débat revient souvent : faut-il privilégier une selas, une SELARL ou une SAS « classique » avec exercice libéral accessoire. La réponse dépend de votre profession, de votre projet de croissance et des exigences d’agrément de votre Ordre.

Critère SELAS SAS SELARL
Souplesse statutaire Très élevée Très élevée Modérée
Entrée/sortie d’associés Facilitée par actions Facilitée par actions Plus rigide (parts sociales)
Réservée aux professions libérales Oui Non (structure commerciale) Oui
Régime des dirigeants Assimilés salariés Assimilés salariés Majoritaire = indépendant
Déontologie et contrôle ordinal Oui, renforcés Non, hors cas spécifiques Oui

Dans une équipe pluridisciplinaire, la selas tire son épingle du jeu dès qu’il s’agit de distribuer des rôles, moduler les droits politiques et ouvrir le capital à de nouveaux praticiens, tout en gardant la main sur les clauses d’agrément.

La flexibilité a un revers : elle suppose des statuts plus travaillés. Une selas mal rédigée crée des angles morts sur les conflits d’intérêts, la non-concurrence ou la sortie d’un associé. Je préfère investir du temps au départ plutôt que gérer une crise ensuite.

Autre point d’attention : certaines professions encadrent étroitement la détention du capital et des droits de vote par des non-praticiens. Les dérogations existent, mais il faut les documenter et obtenir l’aval de l’Ordre avant de promettre quoi que ce soit à un investisseur.

Créer une selas pas à pas : formalités et étapes clés

Mon conseil est simple : déroulez une check-list et ne sautez aucune étape. Créer une selas ne se résume pas à déposer des statuts, il faut orchestrer le juridique, l’administratif et l’ordinal pour gagner du temps et éviter les retours.

  • Vérifier l’éligibilité de la profession et des associés
  • Rédiger des statuts cohérents avec la déontologie
  • Établir un pacte d’associés et un règlement intérieur
  • Évaluer les apports et nommer un commissaire si nécessaire
  • Obtenir les autorisations ou avis de l’Ordre
  • Publier l’avis de constitution et déposer au guichet unique
  • Ouvrir le compte, libérer le capital, récupérer l’extrait Kbis

Au stade des statuts, nommez clairement le président, clarifiez les délégations et verrouillez les incompatibilités professionnelles. Une selas bien écrite prévoit des clauses d’exclusion, des mécanismes d’évaluation des titres et un droit de préemption applicable sans ambiguïté.

Le capital peut être variable, avec des apports en numéraire et en nature. Pour des matériels lourds, l’évaluation par un commissaire aux apports est souvent pertinente. Elle sécurise tous les associés et rassure le banquier qui lit le dossier au cordeau.

Anticipez enfin le calendrier : l’avis de constitution, l’examen ordinal, l’immatriculation au registre et la mise en conformité RGPD prennent du temps. Sur un projet multi-sites, j’ai vu une selas gagner un mois en préparant les pièces en parallèle.

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Gouvernance et pacte d’associés en selas

Le vrai sujet, au-delà de la forme, c’est la manière de décider. Une selas permet de dissocier capital et pouvoir, mais l’équilibre se construit. Sans règles claires, les tensions montent vite, surtout quand le planning opératoire vaut plus que mille réunions.

Rôles, pouvoirs et garde-fous

Dans les statuts, je distingue les décisions courantes confiées au président, les décisions importantes soumises au conseil, et les décisions exceptionnelles exigeant une super-majorité. Ce triptyque limite les blocages sans créer un pouvoir personnel incontrôlé.

Un bon pacte dans une selas, c’est un guide de crise rédigé un jour de paix : il prévoit l’imprévu, balise les désaccords et évite que le soin aux patients ne devienne une variable d’ajustement.

Rémunération, temps de travail et conflits d’intérêts

Le président est assimilé salarié pour la protection sociale, mais il n’est pas soumis au droit commun du temps de travail. Prévoyez une rémunération fixe et une variable transparente, liée à des objectifs lisibles, pour éviter les soupçons d’arbitrage maison.

Je recommande aussi une politique de cadeaux et d’avantages encadrée, la déclaration des liens d’intérêts et des procédures de retrait en cas de vote conflictuel. Mieux vaut déminer tôt que réécrire un procès-verbal à la va-vite après coup.

Fiscalité et statut social des dirigeants : ce qui change concrètement

Sur le plan fiscal, la société est soumise à l’impôt sur les sociétés, avec des taux modulés et un éventuel taux réduit sous conditions. Pour les dirigeants, le traitement de la rémunération en salaires rassure souvent, surtout lors du passage d’une entreprise individuelle à une selas.

Selon la situation, une option temporaire à l’impôt sur le revenu peut être envisagée si les conditions légales sont réunies. Elle n’est pas neutre : elle affecte les flux de trésorerie, la distribution et la capacité d’investissement d’une selas en phase de démarrage.

La distribution de dividendes relève du régime des capitaux mobiliers, avec prélèvement forfaitaire unique ou barème progressif après abattement. Dans une selas, les arbitrages entre rémunération et dividendes se font chiffres en main, en gardant l’œil sur les engagements d’équipement.

Côté social, l’assimilation au régime général permet une couverture robuste, souvent appréciée par les dirigeants venus du salariat. Les cotisations sont plus élevées qu’en régime indépendant, mais la prévisibilité et la protection invalidité-décès constituent un filet de sécurité réel.

  • Vérifiez l’éligibilité au taux réduit d’IS et ses plafonds
  • Calibrez la rémunération du président avant d’arbitrer les dividendes
  • Pensez aux contrats de prévoyance et à la couverture RC Pro
  • Anticipez les besoins de trésorerie du premier exercice

La vérité, c’est qu’on gagne à tester plusieurs scénarios de rémunération et de distribution sur trois exercices. Les bons outils valent le coût : un prévisionnel solide éclaire les choix et évite des débats sans fin en comité de direction.

Cas pratiques et retours d’expérience autour de la selas

J’ai toujours en tête le dossier d’un groupe d’orthodontistes qui a choisi la selas pour structurer trois cabinets et un centre d’imagerie dentaire. Ils ont gagné en clarté décisionnelle sans sacrifier la confidentialité des dossiers patients.

Les erreurs que l’on observe le plus souvent tiennent à l’improvisation sur les clauses d’agrément et la répartition du pouvoir. Une selas bien équipée en pacte d’associés évite que l’arrivée d’un nouvel actionnaire ne provoque une crise de gouvernance.

Autre exemple : une équipe pluridisciplinaire a perdu six mois à cause d’un mauvais calendrier fiscal. Ils avaient sous-estimé l’impact des distributions sur la trésorerie. Depuis, ils testent systématiquement plusieurs scénarios avant de valider un budget.

Financer et se développer dans une selas

Financer une croissance en selas demande de jongler entre fonds propres, dette et financements mezzanine. Les banques lisent bien un plan structuré et sécurisé par des statuts clairs, surtout quand le matériel est lourd et les remboursements étalés.

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Les investisseurs apprécient la gouvernance souple d’une selas mais restent attentifs aux clauses de sortie. Définissez dès le départ la liquidité des actions et la valorisation en cas d’entrée d’un tiers afin de limiter les risques de blocage.

Options de financement courantes :

  • Apports en numéraire et apports en nature évalués par un commissaire
  • Prêts bancaires à moyen terme garantis par la société
  • Financements participatifs ou obligations convertibles réservés aux professionnels

Pensez aussi aux subventions locales ou aux dispositifs d’aide à l’innovation pour réduire la charge initiale. Une combinaison de plusieurs leviers évite de diluer trop vite le capital professionnel.

Risques, litiges et sorties : préparer la fin d’un projet selas

La sortie d’un associé est souvent le moment le plus délicat. Sans mécanismes de valorisation et sans procédure d’exclusion, la selas risque d’entrer dans une spirale contentieuse qui fragilise l’activité et la prise en charge des patients.

Clauses à prévoir dans les statuts et le pacte

Prévoyez une clause de préemption, un mécanisme d’évaluation indépendant et un droit d’agrément strict. Ces outils protègent l’équipe en place et rassurent les partenaires financiers, tout en restant compatibles avec la déontologie professionnelle.

Tableau comparatif des sorties :

Type de sortie Avantages Inconvénients
Vente à un tiers Liquidité rapide Risque de non-agrément par l’Ordre
Rachat par les associés Contrôle préservé Nécessite trésorerie ou dette
Clauses d’agrément Filtre renforcé Peut bloquer une cession

Anticipez aussi les litiges potentiels liés à la responsabilité professionnelle. La société doit disposer d’une couverture RC Pro adaptée et d’un protocole de gestion de crise pour protéger patients et associés.

Points pratiques : bulletin de route pour les 12 premiers mois

Les premiers mois passent très vite. Concentrez-vous sur la mise en conformité, la consolidation comptable et la gestion de la trésorerie. Une selas nécessite un pilotage serré pour éviter les trous de trésorerie causés par des investissements tardifs.

Priorités opérationnelles :

  • Finaliser les agréments et assurer la conformité ordinale
  • Mettre en place un tableau de bord financier et un prévisionnel mensuel
  • Signer des contrats fournisseurs clairs pour matériel médical

Sur le plan social, organisez rapidement des entretiens individuels pour clarifier les temps de travail, la rémunération et les règles de remplacement. La sérénité des équipes se joue souvent sur ces sujets pratiques.

Selas et optimisation fiscale : règles simples à appliquer

Optimiser la fiscalité d’une selas ne signifie pas esquiver les règles, mais arbitrer intelligemment entre salaires, dividendes et investissements amortissables. Le choix influence les cotisations sociales et le flux de trésorerie.

Quelques tactiques fréquemment utilisées :

  • Verser une part fixe de salaire pour sécuriser la protection sociale
  • Distribuer des dividendes au regard des besoins personnels et des plans d’investissement
  • Utiliser des amortissements accélérés pour lisser le résultat imposable

Je conseille de simuler ces choix sur trois exercices. Un expert-comptable impliqué tôt évite les mauvaises surprises et permet d’ajuster la stratégie fiscale au fil du développement.

Derniers conseils avant de vous lancer

Créer une selas reste une excellente voie pour structurer une activité libérale ambitieuse. La clé est la préparation : des statuts ciselés, un pacte robuste et des prévisionnels réalistes réduisent les risques et préservent la qualité du soin.

Ne sous-estimez pas l’importance du dialogue avec l’Ordre et les partenaires locaux. Un avocat spécialisé, un expert-comptable et un conseiller en assurance forment le trio minimal pour sécuriser votre projet et votre sérénité.

Questions fréquentes

La selas convient-elle pour un duo de praticiens souhaitant ouvrir un centre ?

Oui, c’est souvent adapté. La selas permet de répartir capital et pouvoirs tout en respectant la déontologie. Assurez-vous toutefois que les clauses d’agrément et de gouvernance sont bien définies.

Peut-on entrer des investisseurs non praticiens dans une selas ?

C’est possible mais encadré. Certains Ordres exigent que le capital reste majoritairement entre les mains de praticiens. Toute dérogation doit être validée et documentée dans les statuts et auprès de l’Ordre.

Quel est le coût réel de création d’une selas ?

Le coût varie selon la complexité des apports, la nécessité d’un commissaire aux apports et les honoraires des conseils. Anticipez des frais juridiques, comptables et d’immatriculation non négligeables la première année.

Quelle différence majeure avec une SELARL pour la responsabilité ?

Dans une selas, la responsabilité de la société est distincte et les dirigeants sont souvent assimilés salariés. La SELARL peut exposer davantage les associés si le dirigeant est majoritaire et perçu comme indépendant.

Faut-il un pacte d’associés obligatoire dans une selas ?

Il n’est pas obligatoire mais fortement recommandé. Un pacte permet de régler les conflits d’intérêts, de définir les règles de sortie et d’organiser la gouvernance au-delà des seuls statuts.

Un dernier mot avant le premier pas

Si vous gardez une idée en tête : prenez le temps d’écrire vos règles avant d’avoir besoin de les appliquer. Une selas bien construite est un outil de confiance qui laisse la place à la pratique, protège les patients et sécurise votre avenir professionnel.

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Maxime Rousseau
Diplômé en marketing de SKEMA Business School, Maxime Rousseau apporte une perspective unique sur les stratégies de marché innovantes et les tendances financières actuelles. Pour Maison Entrepreneur il partage des insights précieux pour aider les professionnels à naviguer dans l'écosystème complexe du business moderne.

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